Mort & vif: comment jouer avec la mort.

Mort & vif, c’est le titre du nouvel album de David Prudhomme, mais cela convient tout à fait au dernier titre de Luz: Puppy; qui est l’histoire d’un chien mort mais bourré de vitalité et d’envie de jouer.

Mort & vif aux éditions Futuropolis, le scénario est de Jef Hautot (ce qui est drôle étant donné qu’il va y avoir des voitures dans l’histoire, mais vous avez raison, je ne devrais pas commencer une nouvelle fois avec l’humour bas de gamme qui me caractérise, à la rigueur s’il s’était appelé Serge, j’aurais pu me le permettre: Serge Hautot – siège auto…)

HUM ! Reprenons nous. Mort & vif, collaboration à quatre mains ou deux cerveaux entre Jef Hautot et David Prudhomme. David Prudhomme, j’avais déjà eu l’opportunité de vous le mettre en avant en septembre 2015 lors de la sortie de Vive la marée, co-écrit avec Pascal Rabaté (toujours chez Futuropolis) une histoire d’une journée à la mer que je trouvais judicieux de vous taquiner avec au moment de la rentrée scolaire ou bien de la reprise du boulot en général. Et c’est là où le tiens à m’excuser, car j’avais mis en avant Pascal Rabaté pour la manipulation de l’image, en oubliant un peu trop vite le travail de David Prudhomme

En débutant ma lecture de Mort & vif, à la page 3, je commence à me dire que l’on me titille la rétine, à la page 5, c’est confirmé, je reprends ma lecture depuis le début pour être le plus attentif possible, tant est énorme le travail du dessinateur.

Philippe Moline alias Flip travaille chez Deleter & fils (ouvre-boîtes & clés à sardine). Une clé à sardine qu’est-ce que c’est ? La question n’est pas anodine étant donné la suite de l’histoire, et si je pose la question, c’est qu’il y a dorénavant la fameuse languette d’Ermal Fraze que tout le monde connait sur le boites de sardines pour les ouvrir (ah si cela avait existé du vivant de Franquin, les gags de Gaston eurent étés métamorphosés). Donc, une clé à sardine, c’est une petite tige métallique, recourbée en forme de triangle du côté de la prise en main et bénéficiant d’une encoche de l’autre côté, permettant de saisir une partie du couvercle des boites pourvue à cet effet, qui dépassait sensiblement dans un coin, puis vous tourniez votre clé, découvrant ainsi au fur et à mesure le contenu tant désiré à consommer. Mais Flip lui, il en pique afin de construire une tour Eiffel en clés à sardine et l’offrir à sa petite amie, Patricia, qui travaille elle aussi chez Deleter & Fils

Bref ! Flip rentre du travail, c’est la fin de la semaine, mais à la maison, Patricia n’est pas là ! Elle vient de le quitter, lui laissant tout de même une lettre de rupture (ET la tour Eiffel). Dépité, il décide de sortir et se prendre une grosse cuite, au point de se mettre vraiment mal et d’être coincé le samedi et le dimanche au lit. Le lundi suivant, il se rend au travail comme à son habitude, mais curieusement, arrivé devant l’usine, il ne descend pas du bus, en fait c’est son indécision qui fait qu’il continue le trajet jusqu’au terminus du transport. De là, il erre dans la ville, croise occasionnellement son patron, mais sans interaction, et se pose au beau milieu d’un rond-point, perdu dans ses pensées.

« Trashy« , musicien de son état, passe par là en voiture, et le prend en stop: débute alors une virée des plus rocambolesques pour Flip, qui va vraiment flipper pour l’occasion.

Pendant ce temps, les employés de Deleter & fils qui eux se sont rendus au travail se retrouvent le bec dans l’eau, car leur cher patron a profité du week-end afin de revendre toutes les machines et a fait vider l’usine pour disparaître dans la nature (vous vous rappelez que j’ai écrit plus haut que Flip ne cessait de le croiser ?).

Cela a un petit goût du film Louise Michel avec Yolande Moreau. Lorsque j’ai commencé cette chronique j’ai évoqué le travail graphique qui m’avait très tôt surpris. En effet, vous allez pouvoir attarder votre regard sur chacune des pages de l’album car David Prudhomme exploite au maximum l’image et la mise en page. 

Chaque trait est la continuité d’un autre, les formes s’enchevêtrent les unes les autres, se répondent d’une case à l’autre, ainsi la physionomie de l’homme accroupi devant la cheminée dans une image, devient les contours du paysage montagnard dans la case d’à côté. Etant donné qu’il est difficile de rendre par des mots des effets visuels si complexes, il ne vous reste plus qu’à ouvrir l’album pour découvrir ce que j’essaye de vous décrire.

Et si l’on doit jouer avec la mort, laissons la mort déborder de vie, avec Puppy de Luz aux éditions Glénat.

L’album est sorti début Janvier et je me navre de voir que pas une seule personne ne l’ai pris dans notre librairie, et pourtant parmi nos lecteurs, bon nombre d’entre vous pourrait y trouver satisfaction.

Luz est et restera l’un de mes auteurs préférés parmi les différents noms qui auront travaillé pour Charlie Hebdo, son trait est vif, créatif et récréatif. 

A la fin de l’album, vous avez la double page à l’origine de cette histoire, un article consacré à un cimetière du côté d’Asnières avec de singuliers locataires, on y trouve pas spécialement des mammifères mais surtout des animaux qui ont du flair: un endroit consacré au dernier repos de nos animaux de compagnie, des chiens, des chats, mais peu de poissons rouge car Bubulle et consorts ont plutôt tendance à finir dans les toilettes.

C’est l’histoire de Puppy, qui se relève de sa tombe, s’ébroue afin de se débarrasser des chairs mortes superflues pour commencer son errance dans sa nouvelle aire de jeux.

libre comme l’air et l’air de rien, Puppy est mort & vif à la fois, le quadrupède baguenaude au fil de ses envies, marque d’un revers de la patte son nouveau territoire, il est mort me direz vous, comment pourrait-il être en mesure d’avoir encore des fluides corporels ? on s’en fout, n’est-il pas drôle de voir Puppy se laisser aller, suivre son instinct, ou bien narguer le féroce molosse qui n’en aurait fait qu’une bouchée de son vivant.

Il tombe amoureux de la photo d’une petite chienne, joue avec les nonosses et c’est peu dire qu’il est au meilleur endroit pour en dénicher, même si parfois la digestion est un peu dure. Il court et joue, cherche une baballe, et il en trouve, on apprécie d’ailleurs l’hommage de Luz pour ses amis, avec toutes ces balles de tennis présentes dans cette bulle en verre qui repose sur la tombe de Charlie, et Puppy leur donne une nouvelle vie.

Bon! Batifoler dans son aire de jeu, c’est bien, mais cela ne va qu’un temps, pourquoi ne pas agrandir son territoire et partir dans les rues au risque d’effrayer les passants. Seulement, il n’y aura point de vent de panique, car voilà, les humains ont disparu. Les rues sont pleines des vestiges de la vie courante, nous voyons des scènes du quotidien, où il ne reste que les vêtements des personnes, laissés en suspends, on apprécie d’ailleurs cette vue du dessus de cette dame un peu forte, qui permet d’apercevoir la tête de Puppy au travers de sa culotte.

Luz nous offre de la légèreté, de profiter, de nous amuser, alors rions avec lui cal lui fera plaisir comme à nous, et soyez contents, je ne vous demande pas de vous mettre tout nu et de vous lancer à quatre pattes à baguenauder en remuant de la queue.

Merci Luz pour cette évasion canine. Comme quoi on peut encore rire un bon coup avec la mort, car elle ne se gêne pas, elle, pour rire de nous.

 

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