Coups de coeur

Divine comédie

divinecouvNous sommes toujours dans une continuité de très chouettes parutions et nous touchons du bout du doigt le divin, en commençant  par La divine comédie de Dante Alighieri adapté par Go Nagai aux éditions Black Box, d’après les illustrations de Gustave Doré.

divinEn adaptation littéraires, nous avons également, Néo Faust d’Osamu Tezuka aux éditions Flblb, d’après l’oeuvre originale de Johann Wolfgang Von Goethe, une des toutes dernières oeuvres du maître incontesté du manga qui transpose l’action au moment des émeutes de la fin des années 60′ et du début 70′ au Japon avec dans le rôle de Faust, une revisite du savant Einstein ; La forêt des renards pendus de Arto Paasilinna adapté par Nicolas Dumontheuil chez Futuropolis, l’occasion de découvrir cet écrivain Finlandais à l’humour truculent sous la houlette, la plume et les pinceaux d’un dessinateur bourré d’humour lui aussi; on effleure Les contes des mille et une nuits avec la seconde partie de Hâsib et la reine des serpents de David B. aux éditions Gallimard; et aux éditions Philippe Picquier, spécialistes de la littérature étrangère et de l’Asie en particulier, une adaptation de Je suis un chat de Sôseki par Tirol Cobato, un roman phare de l’un des plus grands romanciers Nippons, une référence si vous souhaitez comprendre les bouleversements de l’ère Meiji et la philosophie moderne du Japon.

gaimancouvMais si je parle de divine comédie, c’est surtout pour deux, non trois ouvrages à vrai dire, une seule de ces bandes dessinées est une vraie nouveauté, mais très certainement n’avez vous jamais eu l’opportunité de lire les deux autres. Tout d’abord l’édition en Français de Neil Gaiman & P. Craig Russell de Murder Mysteries: Le premier meurtre; aux éditions Delcourt.

gaiman1Ce n’est pas une nouveauté car Neil Gaiman l’a écrite une première fois dans son recueil d’histoires Miroirs & fumées en 1992 et qui fut interpréter en pièce radiophonique, puis l’adapta avec son acolyte P. Craig Russell en bande dessinée en 2002, et c’est en 2016 que vous pouvez le lire en Français. Les deux hommes se connaissent bien et récemment on a pu lire chez le même éditeur leur dernière collaboration pour l’adaptation de L’étrange vie de Nobody Owens, un autre roman de Neil Gaiman, et bien évidemment P. Craig Russell a travaillé sur LE projet Sandman.

Bref! Avec Le premier meurtre, Neil Gaiman joue avec un de ses thèmes de prédilection, les anges et la création.

gaiman2Un homme vous raconte son histoire, comment il fut obligé de faire escale à Los Angeles et d’attendre pour raison d’intempéries pendant plusieurs jours une correspondance afin de rentrer en Angleterre. Il en vient à être contacté par une ex copine qui réside à L.A., l’invite a passer la soirée ensemble et le raccompagne à son hôtel. La nuit n’est pas encore trop avancée, il décide de s’attarder dehors car il lui semble qu’il ne va pas trouver le sommeil, lorsque un homme vient lui taper une clope. Refusant la pièce de 25 cents que l’homme lui tend en retour de sa cigarette, notre narrateur se voit offrir alors une histoire en remerciement de sa générosité: « les histoires histoires ont toujours été un bon paiement, de nos jours plus tellement ».

gaiman3Petite aparté, Neil Gaiman aime la mise en abîme dans ses histoires. Donc notre narrateur se retrouve auditeur, et d’après le vieil homme, c’est une histoire vraie: comment il est né ange dans la grande cité d’argent, attendant sa fonction comme toute autre création du NOM, et le rôle qui lui est échu, lui va être révélé par celui que l’on sait, deviendra le déchu (désolé je n’ai pas pu m’en empêcher), le nommé Lucifer.

gaiman4Notre ange est Raguel, la vengeance du seigneur, et il est car le crime existe, et que le premier meurtre vient d’être commit, un meurtre au paradis. Sa fonction prime sur toute autre action de ses congénères, et l’assassinat de Phanuel exige une réponse et une divine punition et ce même si le monde est en pleine création.

Un récit magnifique de Neil Gaiman, illustré majestueusement par P. Craig Russell, le duo vous manipule avec délectation tout au long de l’histoire, qui même si elle est courte vous réserve des surprises jusqu’au bout.

shangrilacouvEt voilà que Mathieu Bablet revient une nouvelle fois nous enchanter avec sa nouveauté: Shangri-la, un récit de Science-Fiction aux éditions Ankama, et il bénéficie d’une double actualité, car l’éditeur n’a rien trouvé de mieux que de nous présenter en intégrale son aventure précédente, Adrastée, et qui plutôt que d’être en 2 tomes sur un format  « comics », est présenté en un seul et grand volume qui rend hommage à la densité graphique de Mathieu Bablet.

adrasteecouvMathieu nous avait octroyer le plaisir de sa présence pour Adrastée, et en échange nous lui avions offert un bel exemple de l’hospitalité Nantaise, avec une magnifique manifestation avec cordon de CRS interdisant l’accès à la librairie, une journée mémorable pour laquelle j’étais malheureusement absent.

Adrastée, une divine comédie là aussi, ou comment créer une mythologie grecque avec l’histoire d’un immortel résidant en Hyperborée, qui a vu avec le temps disparaître ses proches , mais également son peuple. Après maintes et maintes années, il se décide à prendre la route pour aller à la rencontre des dieux au sommet du mont Olympe, afin de les interroger du pourquoi de son immortalité.

adrastee1En traversant le monde des hommes, il croise des créatures de la mythologie, tel le Sphinx (La Sphinge), les Harpies, Talos (protecteur de l’île de Crète, royaume du roi Minos), Polyphème le cyclope (fils de Poséidon)…

adrastee3Mais le monde des hommes n’est pas des plus calmes, les guerres entre cités font rage, et ce parce que l’Homme est toujours avide et jaloux de ce qu’il ne possède pas. Alors, lorsque notre personnage découvre que lui aussi fait partie, au même titre que tous les personnages fantastiques qu’il a croisé, de ces récits qui alimentent l’imaginaire des hommes, et attisent leur convoitise. Un homme venu des lointaines contrées marcherait parmi eux, traversant les âges, possédant le secret de l’immortalité.

adrastee4cette réédition est à tomber par terre, le choix de l’avoir agrandi rend honneur au dessin de Mathieu Bablet. Il offre au lecteur des pleines pages consacrées aux cités, renforçant l’aspect de solitude et d’isolement de cet immortel perdu dans les vestiges de sa civilisation, traversant dans son périple des contrées désolées pour ensuite se perdre dans la foule au risque de se noyer par cette surenchère de population.

shangrila1Shangri-la: notre jeune auteur revient en cette rentrée bédéphile avec un nouveau récit de Science-Fiction. Et à n’en pas douter, il sait gérer ses effets avec une entrée théâtrale:

Scott est humain, un homme perdu depuis plus de 11 ans dans ce qui devrait être la nébuleuse de Gum à des millions d’années lumières de la Terre. Devrait ? Oui !  sachez le une nébuleuse naît de l’effondrement d’un soleil, et Scott est là en tant que témoin d’un événement qui a eu lieu dans son passé.

shangrila4Après cette fin « d’un » monde, nous retrouvons Scott, UN MILLION d’années plus tard, l’Humanité s’est réfugiée dans des stations satellitaires autour de la terre, entièrement dépendante de la société Tianzhu. Vous mangez, vous travaillez, vous vous habillez, vous consommez, vous dormez… Tianzhu.

shangrila2Scott enquête actuellement pour Tianzhu sur une série d’accidents dans différentes stations annexes, où ils effectuaient des recherches, il subsiste des traces d’explosions et toute trace de vie a disparue de chaque lieu d’accident. Avec son frère virgile, ils vivent dans cette société aseptisée, mais où perce un esprit de rébellion auquel Scott n’adhère pas, comme quoi la société sait parfois bien dresser ses moutons.

shangrila5Laissez vous tenter pour basculer dans un récit intrigant, avec une force narrative et graphique peu commune, très franchement à peine sortis, ces 2 albums risquent de s’épuiser très rapidement, la preuve, nous avons déjà vendu la quasi totalité de notre premier stock, sachant que l’on s’était blindé sachant que l’on aimait son travail.

 

Quelques femmes d’exception

Avant de plonger dans le maelström de la rentrée littéraire, je vais m’attarder sur trois titres sortis avant les vacances, chacun d’eux faisant la part belle à un personnage féminin.

Amer savoir celui qu’on tire du voyage…

port-des-marins-perdus-couverture_5631447Non, je ne vais évoquer ni Baudelaire, ni « Théodore Poussin » (dont j’attends pourtant avec impatience la sortie du prochain tome) mais de l’album « Le Port des Marins Perdus« . Publié aux éditions Treize Etrange, ce récit en un tome m’a tout bonnement captivé, enivré, transporté ! Un jeune garçon est retrouvé sur une plage lointaine du Siam par un capitaine anglais en 1807. Victime d’un naufrage, ce jeune homme ne se souvient plus de rien. Seule trace dans cette immense page blanche, son prénom Abel. Alors que les guerres napoléoniennes mettent les mers à feu et à sang, le capitaine va le prendre sous son aile et le ramener à Plymouth. Là, il va le confier à la famille de son ancien mentor et ami, un commandant prénommé lui aussi Abel. Malheureusement ce commandant est accusé de trahison et ses trois filles se retrouvent dans le plus grand dénuement. Cela ne les empêche pas d’accueillir comme il se doit ce jeune amnésique.

Teresa Radice et Stefano Turconi, déjà auteurs de l’excellente série jeunesse « Violette autour du monde » (éd.Dargaud), nous gratifient d’un « opéra graphique » (dixit l’introduction) long et poignant. Quatre actes témoignent d’un vibrant hommage à la littérature anglaise, à la mer insoumise, aux marins et leurs superstitions, à la poésie qui réveille l’âme également. Car si Abel est bien le protagoniste central, la figure, tout à la fois lumineuse et crépusculaire, qui se démarque est Rebecca. Tenancière d’une maison close, son parcours est sinueux tout comme ses aspirations  et les liens qu’elle tisse avec ses clients. Amoureuse de la littérature, elle va peu à peu ouvrir les yeux d’Abel. Quant aux trois filles qui le recueillent, elles sont loin d’être monolithiques. Face à l’opprobre qu’elles subissent depuis la trahison de leur père, chacune apporte candeur, fougue ou pondération au tumulte de leur nouvelle vie. Dans « Le Port des Marins Oubliés« , même si elles restent à terre les femmes sont les fanaux des hommes.

Les langues pernicieuses pourraient interroger le rendu graphique de l’album : « Il est joli le brouillon. Quand sort la version définitive encrée ? ». Toutefois, le choix d’un simple crayonné poussé participe à l’évanescence de l’intrigue, son mystère et sa fantasmagorie. Ces presque 300 pages se méritent, elles ne se laissent pas vaincre en une seule fois. On s’y prend, on s’y perd, on y revient. Mais la récompense est là.

A tel point que, à l’heure où j’écris ces lignes, l’album est épuisé. Il faut dire qu’entre autres Télérama et l’Express en avaient dit du bien. Mais une réimpression est prévue prochainement. Ne la manquez pas !

Sous les pavés, hasta siempre !

INSOUMISES_couvGF2J’attendais des éditions du Long Bec une oeuvre majeure qui marquerait leur catalogue, pas une réédition mais bien une nouveauté qui permettrait de braquer les feux de la curiosité. Je pense avoir enfin trouvé mon bonheur avec « Insoumises« .

Le scénariste Javier Cosnava et le dessinateur Rubén dépeignent un trio de femmes de la Guerre d’Espagne à mai 68 en passant par la 2nde Guerre Mondiale. Caridad, Fé et Esperenza se retrouvent malgré elles en première ligne de la lutte contre le franquisme. De ces épisodes sanglants, naîtra une amitié indéfectible, quels que soient les parcours individuels de ces trois femmes et les soubresauts de l’Histoire. Les auteurs, tout en ménageant des phases d’actions et de luttes, présentent un récit loin des intrigues convenues sur le féminisme. En effet, c’est bien à chaque fois la place de la Femme qui est convoquée à la table de l’Histoire. En premier lieu, c’est effectivement la rôle de la Femme dans la guerre qui est évoquée. Là où sont glorifiés les soldats et les hommes qui ont versé leur sang pour une cause ou une nation, Caridad, Fé et Esperenza rappellent que les femmes ont aussi pris les armes et sont tombées.  La place de la femme dans la société, que ce soit la France occupée des années 40 ou corsetée des années 60, est présentée sous un axe atypique. La femme face à sa propre sexualité et les interdits que l’homme lui imposent émaillent également le récit. Mais aucune de ces approches n’est didactique ou moralisatrice. Chacune des héroïnes fait des choix et des erreurs et participe à la lutte émancipatrice.

Voilà donc un album qui mérite toute votre attention !

Chère cousine…

talcJe ne sais comment l’expliquer mais les derniers albums de Marcello Quintanilha me font penser à des films. « Tungstène » m’évoquait « Chute Libre » et celui-ci n’échappe à la règle. « Talc de Verre  » paru aux éditions Çà et là me ramène à « Requiem for a dream » et plus particulièrement à la mère en attente d’un passage à la télé. Les thématiques sont différentes me direz-vous et vous auriez raison. Toutefois, le basculement dans une névrose et le message lancinant qui tourne en boucle sont présents dans les deux œuvres.

Rosangela a tout pour être heureuse. Elle a un métier épanouissant et très bien payé, un mari aimant et attentionné, des enfants formidables. Son niveau de vie lui permet d’obtenir tout ce qu’elle souhaite. Dans ce Brésil aux fractures sociales abyssales, elle est dans les sphères aisées. Toutefois, dans ce bonheur idyllique, un sentiment diffus émerge. Dans ce monde parfait, le souvenir de sa cousine, maltraitée par la vie, revient inlassablement. Cette cousine malgré tout digne et courageuse… Et dotée d’un sourire… et de cheveux… d’une telle beauté.

Et voilà à partir de ces éléments, l’auteur va créer une descente aux enfers, à la fois tellement invraisemblable et pourtant si crédible. En optant pour un narrateur omniscient s’adressant au lecteur, il crée les conditions à ce que cette folie ordinaire s’installe et ravage tout sur son passage. Vous trouverez sans doute cet album irritant. Vous le lirez en vous forçant ou avec une sorte de malaise. Quintanilha a tout fait pour. Et c’est cette dissection de ce syndrome qui rend l’ouvrage intéressant. C’est cette vue vertigineuse de l’intérieur qui lui donne sa saveur.

Alors, bien sûr, je ne trouve pas que la cousine soit bien dessinée, que son sourire soit sublime et ses cheveux parfait. Cependant, le décalage du dessin hyper réaliste (et parfois hyper lourd) participe également à l’épaisseur de cette tranche de vie.

A découvrir donc avec toutes les précautions d’usage : il ne plaira pas à tout le monde !

Les 3 Fantômes de Tesla

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Les 3 fantômes de Tesla est certainement l’une des meilleures surprises de cette rentrée Bandée Dessinée 2016.

TeslaTesla fait parti de ces noms comme Jules Vernes ou Thomas Edison, qui ont changé le cour de choses en leur temps. Les noms résonnent aujourd’hui avec tout un univers visuel qu’ils ont créé par leurs inventions, leur imagination et toutes les promesses d’un monde nouveau qui s’offrait à nous… Cette époque est très marquée par des ambiances de ville moderne, de matériaux nobles et une esthétique très soignée. Toute un imagerie visuelle qui reste propice à de magnifiques histoires.

Ces hommes de science pionniers dans leurs domaines ont depuis toujours influencé et fait rêver les hommes, c’est le cas du jeune Travis qui rêve de marcher sur les traces d’Edison. Notre jeune héros vient d’emménager à Manhattan avec sa mère. Nouvelle ville, nouveau quartier et nouvelle vie pour Travis et sa mère. Alors que le monde autour d’eux tourne à 100 à l’heure avec la second guerre mondiale qui a éclaté en Europe et l’annonce imminente d’un guerre d’un nouveau genre, une guerre qui se gagnera par la science, tous les pays sont sous tension et font travailler de force leurs meilleurs chercheurs sur l’arme de demain. Dans ce contexte particulier, Travis va devoir trouver sa place parmi les jeunes de son quartier et avec son énigmatique voisin qui effraye tous les gamins du coin.

Tesla2La plus grande réussite de cet album est sans conteste son univers visuel. Rien qu’avec la couverture, on a envie de plonger dans le récit. Et même si ce premier tome de cette trilogie ne fait que planter le décor et découvrir le contexte et nos personnages. Le dessin de Guilhem nous fait voyager dans l’ambiance du récit. Son graphisme et son encrage donnent du dynamisme et de la vie aux personnages. La ville et les décors deviennent également vivant sous son crayon. Le dessin est empreint de nostalgie, les personnages ont une beauté et un charme désuet. Comme s’ils étaient sorti d’un film en noir et blanc imposant toute leur prestance et leur charme sur le lecteur. Tous les designs sont prodigieux. Ce dessin somptueux nous rappelle l’incroyable classe de cette époque industrielle où l’art déco reflète l’étendue des possibilités qui s’offrait à nous avec toutes ces découvertes que faisait la science. Et s’il vous faut d’autres preuves du génie du coup de crayon de Guilhem et bien vous n’avez qu’à regarder les détails qu’il met dans les escaliers de l’immeuble où vit Travis. Quel plaisir de pouvoir contempler tous ces détails qu’ils cachent un peu partout dans son décor.

Vous l’aurez compris je suis sous le charme du dessin de l’album mais rassurez vous le scénario est aussi un récit signé Marazano, simple et efficace, qui laisse la place au dessinateur pour nous faire voyager et rêver.

Voilà une nouvelle preuve si il en fallait une à l’heure des one-shot et des romans graphiques que la BD franco-belge classique en série a encore de belles heures devant elle.

Vivement la suite…

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Gen d’Hiroshima

gencouvGen d’Hiroshima n’est pas à vraiment dire une nouveauté, mais bénéficie en cette rentrée d’une nouvelle édition par la maison Vertige Graphic. Hadashi no Gen ou Gen d’Hiroshima en français est l’oeuvre de Keiji Nakazawa, publiée entre 1973 et 1985 au Japon, et peut s’enorgueillir d’être, avec Maus d’Art Spiegelman, un des très rares ouvrages à bénéficier d’une aura et d’une reconnaissance mondiale.

gen3Donc si vous n’avez jamais lu Gen d’Hiroshima, cette série que l’on trouvait jusqu’à aujourd’hui sous la forme de 10 tomes au format roman graphique, ou bien pendant un temps en format Manga plus classique, cette réédition regroupera les albums par 2 nous allons donc avoir une nouvelle présentation de 5 volumes dont le premier vient tout juste de paraître, le suivant sortira fin octobre. Keiji Nakazawa avait 6 ans lorsque la bombe « Little Boy » est tombée sur sa ville natale d’Hiroshima et avec cette histoire il souhaitait témoigner de ce dont il fut témoin, mais également raconter « l’après » catastrophe nucléaire, ce qu’il est advenu des survivants, de comment les Américains et le gouvernement Japonais ont contrôlé l’information mais également comment les Japonais ont repris le cours de leur vie.

gen1L’histoire commence au printemps 45, peu de temps avant l’explosion, on y découvre Gen d’Hiroshima, vivant avec sa famille, les Nakaoka, ses deux parents et son petits frère et sa petite soeur. On apprend comment s’organisent les comités de défense par quartier avec les exercices obligatoires, le père de Gen refuse d’ailleurs d’y participer car il est contre la guerre, ce qui à l’époque est un acte répréhensible, allant contre l’empereur qui a décidé de l’entrée en guerre du Japon et qui est encore à ce moment là considéré comme un dieu vivant. Il inculque à ses enfants un principe de vie de respect et d’entre aide, et que fasse à l’adversité il faut être comme le blé qui se couche face à la tempête mais est capable de se redresser. Dans les exceptions familiale, ils font parti des rares Japonais à se comporter humainement avec les citoyens Coréens comme leur voisin Mr Pak, ceux-ci furent contraints par la force de venir travailler et vivre au Japon, mais étaient traités tels des esclaves et dont la vie ne valait pas grand-chose.

gen2A peine nous sommes nous habitués au quotidien de Gen que le cataclysme arrive, et c’est là que le style de dessin propre au manga peut aider à la lecture, car Keiji Nakazawa fait le choix de tout montrer, car c’est dès le premier volume que l’on voit les effets de la bombe: l’explosion, le souffle, l’incendie et les premières victimes. Comment pourrions nous supporter la succession d’images comme cette femme et ces enfants qui se sont réfugiés dans les bassins anti-incendie et qui ont littéralement cuits sous l’effet de la chaleur. Certains survivants voient leur peau se liquéfiée, les corps explosent et déversent les organes internes alors que leur propriétaire est encore vivant, tout cela l’auteur l’a vécu, l’a vu, tout comme il a vu brûler son père et son frère et sa soeur cadets pris sous les décombres de leur maison.

gen4C’est pendant les 8 années qui vont suivre que nous accompagnons Gen d’Hiroshima, nous verrons son parcours, sa survie. Il sera confronté à la présence des Américains qui tout se temps tiennent dans le silence absolu les conséquences de leur nouveau jouet, pratiquent des tests sur les survivants, abreuvent le marché noir et contrôle ce pays vaincu.

Je vous invite à découvrir cette oeuvre majeur de l’histoire de la Bande-Dessinée et qui relate l’un des faits les plus importants de l’histoire de l’Humanité, cette série est assurément un incontournable de la bédéthèque idéale. Et pour les fainéants, vous pouvez voir le film s’animation qui a été réalisé, et pour le coup je vous conseille également un autre film d’animation excellent sur la même période, le tombeau des lucioles.

 

Flocon de neige et engrenage

Que diriez-vous de quelques comics pour amener à la plage (ou ailleurs) juste avant la rentrée qui se profile dangereusement ? En voilà trois qui iront bien avec votre bronzage.

PLANETARY T.1 / Warren Ellis & John Cassaday / Editions Urban Comics

planetary-tome-1-39675Avec « Le Marquis » de Guy Davis, « Planetary » est la série présente dans ma bibliothèque personnelle sous le plus grand nombre de déclinaisons, au gré des vicissitudes éditoriales : fascicules VO, TPB, éditions Soleil, Spark, Semic ou Panini. Pourquoi ? Parce que « Planetary » est une série extrêmement bien écrite et construite avec une lucidité scénaristique impressionnante par Warren Ellis. Quant à John Cassaday, alors jeune dessinateur, il donne le meilleur de lui-même sur ces planches.
Une organisation aussi mystérieuse que dotée de fonds financiers solides exhume les secrets hors du commun du monde. A sa tête se trouvent quatre individus pourvus de « superpouvoir » : Jakita Wagner fait preuve d’une endurance, d’une force et d’une vitesse accrues, Elijah Snow maîtrise les températures et est un enfant du siècle (nous reviendrons sur cette idée), le Batteur ressent le flux des informations et enfin le quatrième homme est mentionné mais on ne saura rien de lui au début de l’histoire.

img-1-small580L’intrigue démarre avec le recrutement d’Elijah Snow dont on devine un passé tumultueux et bien rempli. Il ne sait toutefois rien de cette organisation qui désire l’employer. A travers son regard, le lecteur va appréhender le quotidien de ces archéologues du surnaturel. « Archéologues » voilà une des forces de cette série : les personnages se positionnent en tant que chercheurs, enlevant une par une les strates de complots cachant le vrai visage du monde. Ce ne sont pas des troupes d’interventions, des justiciers pourfendeurs de torts. Non, ils viennent après les catastrophes et cherchent à les comprendre pour éviter que d’autres désastres ne surviennent. Bien sûr, arrivés à un certain point, l’adversité surgit et il faut alors intervenir, parfois avec violence.

Les qualités de cette série sont nombreuses. En premier lieu, bien qu’étant intégré à l’univers Wildstorm et notamment aux séries de comics « Stormwatch » et  » Authority« , « Planetary » bénéficie d’un statut à part, voguant de manière autonome dans sa propre sphère d’influence. Bien sûr, des événements communs sont évoqués, des cross-overs sont organisés. Toutefois, le lecteur n’est pas oppressé par un univers cohérent dont il devrait avoir toutes les clés.

Ensuite, « Planetary » a été conçu en maxi-série, c’est-à-dire avec une fin déjà programmée et des éléments amenant au dénouement parsemés dans chaque épisode. En moins de 30 chapitres (deux albums), Warren Ellis crée une toile qui, de prime abord, semble composée d’épisodes autonomes. Puis petit à petit, les éléments se répondent, se coordonnent, se justifient les uns les autres. Et la fin est une vraie conclusion, avec son lot de révélations et de parts d’ombre.

Planetary4Pour dérouler le reste des qualités scénaristiques, je dois évoquer Thomas Schatz. Ce critique de comics explique les différents états dans lequel l’industrie du comics a transité. Il parle notamment de l’âge baroque ou maniériste. Le comics revient à ses propres fondements, à sa propre mythologie pour la ré-exploiter dans des récits nouveaux, rendant hommage à ses prédécesseurs sans plagiat. Ce regard en arrière, dans des cas exceptionnels, magnifie la matière première principale en comics inoubliables. Dans cette catégorie, je pense notamment à « Astrocity » de Busiek et Anderson, « 1985 » de Millar et Edwards ou encore « Top 10 » de Moore et Ha.

Ici, Warren Ellis invoque les bases du comics : la littérature pulp, la pop culture, le « mauvais » genre. Il se joue de ses figures emblématiques : Doc Savage, Godzilla, la Justice League, les 4 Fantastics, Hulk, Sherlock Holmes… Ainsi, il crée une connivence avec le lecteur amateur du genre, l’emmène sur un territoire qu’il croit balisé. Puis, le surprend en réutilisant tout ça de manière inattendue. Ces Fantastics-là sont les parangons du mal et les rayons gamma n’ont causé que des drames.

Planetary1Dans Stormwatch, Ellis avait intégré le concept d’enfant du siècle avec Jenny Spark. Il récidive avec Elijah Snow : tous deux sont nés le 1er janvier 1900 et mourront à la fin de ce siècle. Ils ont fortement influencé le cours du XX° et ont protégé la Terre de toutes menaces. De manière sous-jacente, le scénariste affirme que la littérature de genres a façonné notre époque, qu’elle l’a manipulée pour arriver à la culture d’aujourd’hui, numérique, moins mystérieuse mais tout aussi dangereuse. John Cassaday enfonce le clou : Hugo Pratt sert de modèle physique à Snow, alors que le Batteur est son autoportrait. La boucle est bouclée : le réel et le comics s’interpénètrent.

Parlons justement de Cassaday. Dessinateur peu connu à cette époque, son trait réaliste presque froid se trouve au diapason de l’histoire. Il ne montre que l’essentiel réduisant les décors à ce qui est significatif : vaisseau exubérant et détaillé, chambre d’hôpital à peine esquissé. Les tenues de ses personnages sont loin des uniformes de leurs homologues super-héroïques. Elles sont fonctionnelles ou élégantes, voire variées (!) mais surtout elles ancrent une fois de plus le récit dans le réel.

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Chers lecteurs français, il vous est à présent possible de lire l’intégralité de cette formidable saga en deux tomes (le second sortira l’année prochaine) avec quelques cross-overs et hors-séries aux éditions Urban Comics.

EX MACHINA T.5 / Brian K. Vaughan & Tony Harris / Editions Urban Comics

ex-machina-tome-5-40562Toujours chez le même éditeur, le dernier tome de « Ex Machina » vient enfin de sortir. Jusqu’ici inédite en France, la conclusion des aventures de Mitchell Hundred vaut son pesant de… boulons ! Brian Vaughan et Tony Harris nous ont tenu en haleine pendant cinq gros volumes, disséminant discrètement les éléments du grand final. Une apothéose !

Tiens, vous souvenez-vous que toute la série est basée sur un flashback, que Mitchell  vous a annoncé comment la catastrophe s’était produite dès les toutes premières pages ? Hé bien voilà, on y est ! Tous les engrenages sont à présent assemblés.

505156-21exm_cv39Pour ceux qui auraient vraiment tout oublié, Mitchell Hundred a des super-pouvoirs. Suite à un accident avec un mécanisme venu d’ailleurs, cet ingénieur a la capacité de communiquer avec toutes les machines et de leur imposer sa volonté. Après une courte carrière comme justicier masqué, il se rend compte que pour rendre New-York meilleur, pour prendre le mal à la racine, il n’a pas fait le bon choix. Il brigue donc la mairie de New-York pour porter ses idéaux. Et obtient le mandat ! Dès lors, Mitchell va devoir gérer les problèmes de gestion d’une municipalité mais également les mystères qui entourent ses pouvoirs.

« Ex Machina » est une série rafraîchissante. Ses personnages sont authentiques avec leur dose d’humour, d’humeur, de convictions et de lâcheté. Ils nous renvoient à notre réel et notre actualité, que ce soient les questions de terrorisme, de racisme ou de géopolitique globale (Sarkozy, vraiment !?). Mais elle y apporte sa petite touche d’exotisme, son prisme déformant à travers les pouvoirs de Hundred et ce que cela implique comme bizarrerie ou danger.

ex-machina-wallpaperComme pour « Planetary », Vaughan insinue que le comics a de l’importance, qu’il forge une certaine forme d’héroïsme chez ceux qui sont suffisamment ouverts à cette littérature mais qui ont aussi suffisamment de recul pour en voir les applications dans le réel. Mitchell est fan de comics, il choisit donc dans un premier temps la voie du justicier masqué tout en observant son caractère vain et artificiel. La mise en abyme de Vaughan est totale et il se joue des codes du comics pour mieux nous surprendre.

La fin vous surprendra, peut-être moins que pour « Y le Dernier Homme ». Toutefois, la conclusion douce-amère ne fait que renforcer la faillibilité de l’être humain. Le pouvoir corrompt, qu’il soit politique ou surnaturel. Il faut juste suffisamment de lucidité pour l’accepter. Telle pourrait être la morale de cette histoire.

Ah, oui et puis Tony Harris est un super dessinateur. C’est tout.exmachina4

MANIFEST DESTINY T.1 / Chris Dingess & Matthew Roberts / Editions Delcourt

MANIFEST DESTINY 01 C1C4 OK.indd001_073MANIFESTDESTINY01.inddPour ceux qui ont eu le courage de lire jusqu’ici, je leur conseille de jeter un coup d’oeil à « Manifest Destiny » de Chris Dingess et Matthew Roberts aux éditions Delcourt. Grâce à eux, j’ai enfin compris le jeu de mot d’un arc des X-Men qui portait le même nom. Car Manifest Destiny a une vraie signification que je vous laisse découvrir ici. Dans ce premier tome, un équipage composé de scientifiques, de militaires et de repris de justice doivent rejoindre un fort éloigné dans l’Ouest américain. De là pourront s’installer des colons qui porteront la bonne parole et la civilisation dans ces contrées perdues.

Et bien sûr, cela ne se passe pas comme prévu… Voilà un album divertissant, un brin horrifique et ancré dans une période historique (le tout début du 19ème américain) que je connais mal. Tout pour plaire !

Voilà c’est tout pour aujourd’hui.